Pour Florence et Hussein

Vive leur libération !

Interview de Irvin Kershner

« Robocop 2 », «L’empire contre-attaque» (CBS-Fox), « Les yeux de Laura Mars)) (GCR), «Jamais plus jamais)) (UGC), c’est lui. Irvin Kershner est l’un des plus importants réalisateurs d’Hollywood. Il a abordé tous les genres du fantastique. Interview en treize questions chic et treize réponses-chocs. Beaucoup de spectateurs ont été surpris par la violence qui se dégage de «Robocop 2». Etait-ce un choix délibéré?

On m’en a souvent fait le reproche, mais si vous analysez les deux « Robocop», vous vous apercevrez que le premier est beaucoup plus dur que le second. Dans le numéro deux, vous pensez voir de la violence, mais en fait il n’y a rien. Certes, j’ai voulu qu’il y ait une impression de malaise et j’ai travaillé la bande-son pour qu’elle soit très agressive. Mais mon propos était de dénoncer les mœurs du XXe siècle, le siècle le plus violent de l’histoire de l’humanité, et non pas d’en faire l’apologie.

Par moment, « Robocop 2 » est une véritable critique sociale. Vous avez voulu faire passer quelque chose ?

58 minutes pour vivreJ’ai en effet voulu me démarquer des grosses productions hollywoodiennes qui sont sorties au même moment que « Robocop 2». «Dick Tracy» était axé sur la nostalgie et «58 minutes pour vivre» sur l’action pure. J’ai essayé de faire une métaphore sur le danger du pouvoir : dans notre monde soi-disant démocratique, tous les hommes politiques rêvent d’avoir une arme suprême telle que Robocop. J’ai tenté aussi de dénoncer la morale de certaines grosses sociétés qui sont prêtes à tout pour accroître leurs profits. Aux USA aujourd’hui, les hommes politiques dépensent des millions pour promouvoir leur image et, à côté de cela, les industries qu’ils dirigent détruisent l’environnement. Je suis assez inquiet pour l’avenir des USA. Dans cette optique, on peut dire que « Robocop 2» contient quelques messages.

«Robocop 2» a dérogé à la tendance actuelle qui veut que les films américains coûtent de plus en plus cher.

Il n’a coûté que 25 millions de dollars. Soit deux ou trois fois moins cher que les autres films. Cette économie s’explique parce que nous avons travaillé très vite. Onze mois à peine! Un autre réalisateur était sur le projet, mais un an avant la date prévue de la sortie du film, les effets spéciaux et le script n’étaient toujours pas prêts. Les producteurs commençaient à être inquiets et ont fait appel à moi pour sortir de cette impasse. J’ai alors exigé une liberté totale et engagé Frank Miller, l’un des meilleurs scénaristes de bande dessinée. Nous avons travaillé comme des fous, et onze mois après tout était en boîte.

Cette durée est sans commune mesure avec les trois ans que vous avez passés pour »L’empire contre-attaque».

Ce fut un travail de Titan. Le story-board de « L’empire contre-attaque» a nécessité, à lui seul, un an de travail. Et le tournage a été le plus délicat que j’ai jamais eu à diriger : parfois nous tournions pendant 10 heures pour obtenir à peine 10 secondes de film. Cette lenteur m’exaspérait, alors j’ai installé un second studio à côté du premier. J’allais en vélo de l’un à l’autre pour régler les détails et travailler avec les acteurs. Puis il y a eu un troisième studio.., et nous sommes arrivés à soixante-quatre studios où nous tournions en simultanée. Inutile de dire que j’ai rapidement laissé tomber le vélo…

Je suppose que vous ne me contredirez pas si je vous dis que « L’empire contre-attaque » est le meilleur épisode de la saga de « La guerre des étoiles».

George LucasComplètement d’accord (rires). Tout le monde me l’a dit et George Lucas, le producteur, le premier. J’avais été son professeur à l’université de cinéma de Californie et il a insisté pour que je fasse le film. Jamais un producteur ne m’aura laissé autant tranquille : en trois ans, il est venu à peine quatre fois sur le tournage. Il n’a même pas visionné les rushes. Tout ce qu’il a vu, c’est une vidéo en noir et blanc, de très mauvaise qualité, des rushes que nous avions filmés sur l’écran de la table de montage. Autant dire qu’il ne pouvait pas se rendre compte de grand chose.

Cette confiance, de la part d’un producteur, doit être rarissime?

Ce qui l’a rassuré c’est que j’ai scrupuleusement suivi le story-board. Nous n’avons jamais rien improvisé. Nous avions très exactement 2 heures 12 de film et, après le montage final, nous sommes arrivés à 2 heures 6. Les coupes ont été dérisoires. Ce film reste un très bon souvenir, mais j’ai refusé de faire le troisième. Je n’étais pas prêt à m’engager à nouveau pour trois ans dans un tel projet.

Il paraît qu’Harrison Ford était assez inquiet pendant le tournage…

Il avait peur que je me préoccupe avant tout des effets spéciaux à son détriment. Cela lui arrive souvent dans d’autres tournages. Par exemple, s’il est parfait, mais que la cascade est mauvaise, on recommence la prise. L’inverse n’est pas vrai : si l’acteur n’est pas bon mais que les effets sont réussis, de nombreux réalisateurs sont satisfaits. Ils ont tort car, dans une scène, tout est important.

Vous avez dirigé Sean Connery dans «Jamais plus jamais». Est-ce facile de tourner avec lui?

C’est un plaisir, il est tellement professionnel. Il est prêt à refaire une scène cent fois jusqu’à ce que vous soyez satisfait. Mais je préfère mettre en garde les jeunes réalisateurs. Avec lui, il faut savoir ce que l’on veut. Si vous n’êtes pas sûr de vous, Sean devient un «tueur». Et alors il vous bouffe complètement.

Lorsque l’on entame la réalisation d’un James Bond, je suppose que l’on doit être terriblement influencé par les films précédents?

Pas dans mon cas. «Jamais plus jamais» est l’histoire de James Bond «vieux». Il est plus mûr et agit donc différemment. De même, je n’ai pas du tout suivi les structures des James Bond classiques où le méchant est obligatoirement un fou. Les cinglés m’ennuient car ils ne décident pas vraiment de leurs actes. Dans «Jamais plus jamais», le méchant est très sain. Il n’en est d’ailleurs que plus cruel.

Parlez-moi de votre travail avec John Carpenter en tant que scénariste pour « Les yeux de Laura Mars».

Je ne peux pas vous dire grand chose puisque je n’ai pas utilisé le moindre mot du script qu’il avait écrit. J’ai tout refait moi-même dans un esprit très hitchcockien. Il n’y a d’ailleurs pratiquement pas d’effets spéciaux dans ce film, mais je pense que c’est le plus terrifiant que j’aie jamais fait.

Vous avez la réputation d’être un bon réalisateur pour les effets spéciaux…

Je suis même excellent! J’en sais plus que quiconque sur les effets spéciaux.

Mais en contrepartie, on dit de vous que vous êtes surtout doué pour développer les idées des autres.

Ceux qui disent cela ne connaissent pas mes premiers films. J’y ai développé un certain nombre d’idées personnelles. Qu’on me juge comme étant seulement un bon faiseur ne me touche plus. Je sais que pas mal de réalisateurs n’arriveraient pas à faire ce que je fais. D’ailleurs, les producteurs ont du mal à trouver des metteurs en scène et m’appellent à la rescousse pour sauver leur film. Lorsque Lucas sort de sa poche 26 millions de dollars et me les donne, c’est quand même parce qu’il pense que je ne suis pas trop mauvais.

Quels sont vos projets ?

J’aimerais _bien faire un film sur Puccini, mais je n’ai pas encore réussi à avoir le financement. Si toutefois le projet se concrétisait, cela me permettrait d’entendre d’autres sons que ceux de «Robocop». Des sons beaucoup plus mélodieux.

Quelle heure est-il ?

Quelle heure est-il ?Un père et un fils ne se sont jamais beaucoup fréquentés. Papa est un avocat célèbre, fiston fait son service militaire. Ils vont passer une journée ensemble… enfin parler, enfin se dire des choses. L’histoire est simple. Mais, comme d’habitude, Ettore Scola sait capter la dimension humaine et psychologique de ses deux personnages et de ceux qu’il rencontre. Le grand plaisir de ce film, ce sont les acteurs et les mots qu’ils prononcent. Dans le genre volubile et latin, Massimo Troisi en fait des tonnes, mais est étonnant. Dans le genre tout dans la sourdine, Mastroianni exprime des milliers de choses par un regard, un silence, une moue. Les répliques que Scola installe entre les deux personnages sont tout en finesse et en sensibilité. Ceux qui aiment les atmosphères tendres et un rien nostalgiques, les films qui partent du cœur pour toucher le cœur doivent absolument voir « Quelle heure est-il ? ».

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