Pour Florence et Hussein

Vive leur libération !

Avoriaz 1800

Il y a vingt-cinq ans que la station d’Avoriaz respire à 1 800 mètres d’altitude, mais il y a seulement (ou déjà) dix-huit ans qu’elle adule les maîtres du fantastique. Un festival qui, d’options en évolutions, est devenu adulte à coups de filmographies, de grands prix et de compromis. Zoom sur les films phares d’une génération ouverte à toutes les sensations.

Nous ne sommes pas si nombreux que ça à pouvoir dire. « J’y étais ». Pour le premier Festival d’Avoriaz, une centaine d’invités seulement s’envolaient d’Orly un matin de février 1973. Là-bas, perchés sur la montagne, on comprit tout de suite pourquoi les promoteurs de cette manifestation avaient choisi le fantastique plutôt que le burlesque ou le documentaire industriel. Un épais manteau de neige assourdissait tout, les traîneaux fendaient le brouillard, on était coupés du monde. Cette année-là, le Festival d’Avoriaz s’appelait Métafiction.
Duel Le fantastique avait le vent en poupe. On commençait à s’apercevoir que ce spectacle populaire, longtemps réservé aux salles de quartier, était propice à l’éclosion de chefs-d’œuvre. Le règne de la Hammer n’était pas terminé. On vit Christopher Lee et Peter Cushing monter sur cette montagne. Mais, dès 1973, un jeune Américain chevelu se faisait remarquer en décrochant le Grand Prix, à la surprise générale, avec un téléfilm très « contemporain ». Il s’appelait Steven Spielberg, son film « Duel ».
Il n’en fallut pas davantage pour donner le ton à Avoriaz. Lutte d’un automobiliste contre un camion fantôme. « Duel » refilait un coup de vieux à Frankenstein comme à Dracula — en apparence du moins. L’année suivante, avec « Soleil vert », c’est le problème planétaire de l’écologie, soudain révélé, qui fit le succès de ce récit d’anticipation. Fort de ces deux précédents, on s’empressa de sonner les trompettes du « Nouveau fantastique », qui n’était au fond qu’une étiquette de plus sur le « fantastique du quotidien », encore appelé « insolite ». Le problème d’un festival comme celui d’Avoriaz n’est pas d’échafauder des théories sur le cinéma, mais de créer un événement et d’orchestrer son retentissement médiatique en cela, c’est une incontestable réussite grâce à une remarquable organisation de relations publiques, Avoriaz s’est imposé en quelques années, apparaissant, grâce à son festival, comme un prestigieux rendez-vous de stars. Les années passèrent parties d’un hameau de l’hôtel et de la salle de cinéma des Dromonts, la station s’étendit. Un second cinéma ouvrit aux Portes du Soleil. De trois jours, le festival passait à sept, huit… Il grandit, gonfla comme un véritable Blob !
Avoriaz
On en oubliait presque son prétexte : le fantastique. Or celui-ci évoluait, et pas forcément dans le sens souhaité. Après la vogue écolo, le triomphe mondial de « L’exorciste » marquait l retour de l’épouvante, voire du Grand-Guignol A Avoriaz, la projection d’un « Massacre à la tronçonneuse », encore interdit en France, faisait dresser à plus d’un le cheveu sur la tête Orle fut horrifié quand le film de Tobe Hooper recueillit le Prix de la critique. On s’aperçut très vite d’une incompatibilité entre le souhait d’un Avoriaz clean et toute une partie de la production fantastique, tournée vers l’horreur, la violence, le sang, le sexe pour conforter le succès de la manifestation, il fallait des invités célèbres, surtout pour former le jury : des artistes, des comédiens, des écrivains, des chanteurs. Sauf exceptions, ces gens-là n’aiment le fantastique que s’il est soft de la psychologie, des histoires de fantômes, de rêves, un peu de SF, mais pas de tueurs fous, de mutilations, d’images traumatisantes. D’année en année, jurés et stars se répandirent en déclarations dans les médias, proclamant leur rejet de toute vision horrible. L’avènement du gore, au début des années 80, précipita cette radicalisation fallait-il, pour ménager la respectabilité d’Avoriaz, en éliminer tous les films de la galaxie gore ? Difficile d’ignorer un phénomène aussi représentatif. D’où cette idée lumineuse, jaillie en 1986, la création d’une section Peur. Projetés dans une salle éloignée, à des horaires pas possible, ces films-là seraient présents, mais ne seraient vus que par trois pelés et un tondu Solution parfaite sans les critiques. La section Peur reçut incontinent le sobriquet infamant de ghetto.

Les plus mauvais esprits s’élevèrent contre cette discrimination Il fallut interdire à la critique de décerner son prix à un film de cette section. Bref, ce n’était pas suffisant pour’ enterrer le gore d’autant plus que l’injustice était flagrante : un film comme « La mouche », de David Cronenberg, en compétition officielle, frôlera le Grand prix. Or, l’horreur physiologique y est quasi insoutenable, mais voilà, il est distribué par une grande compagnie, la Fox. A la poubelle du ghetto, en revanche, les séries Z, les indépendants, les fauchés en 1990, nouveau tournant dans la programmation du festival, la honteuse section Peur est supprimée, Le gare est traqué pour contrebalancer ce vide, on met en avant un concept nouveau, et Avoriaz devient le Festival du fantastique et de l’étrange — une nouvelle dénomination pour l’insolite de jadis on compte beaucoup sur les films de l’Est, une fantasperestroika en quelque sorte peu concluante pour 1991, on s’oriente vers les films scandinaves nous verrons bien il ne ,faut pas sous-estimer un phénomène le retour balancier. En bannissant l’horreur des neiges d’Avoriaz, on a finalement déçu tout le monde. Ceux qui en redemandent ouvertement, comme ceux qui font la fine bouche, mais adorent frissonner en douce. Un festival ne peut que rendre compte de la production, il ne peut la nier ni se substutuer aux créateurs. La volonté de proposer à des invités triés sur le volet, un fantastique qui soit le moins fantastique possible n’évoque-t- elle pas irrésistiblement la fameuse invention d’Alphonse Allais qui consistait à « ôter au caoutchouc cette élasticité qui le rend impropre à tant d’usages » ?

Richard FleischerDuel 1973 la première année ! Il y avait un favori de choc, le « Themroc » de Faraldo, cri de rébellion libertaire à la Charlie-Hebdo contre la trinité métro-boulot-dodo. Nul n’avait pris garde à un jeune Américain de vingt-sept ans, débarqué à Avoriaz avec son téléfilm sous le bras. Le jury stupéfait, présidé par l’honorable René Clément, distingua la virtuosité de ce jeunot, un nommé Steven Spielberg.

Soleil vert 1974 vieux routier du thriller, de l’aventure, de la SE, Richard Fleischer s’attaque ici à un grand sujet d’anticipation. « Soylent green », alias « Soleil vert », est une fresque réaliste, sans bric-à-brac futuriste, en phase avec la sensibilité des années 70. Ce tableau cauchemardesque de New York au XXI’ siècle, envahi par la pollution, fait frémir les adeptes de la mode nouvelle l’écologie. Sans oublier un Charlton Heston en flic justicier et la dernière apparition du grand E.G. Robinson.

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